Août 2022

Franck Thomas – Sommelier et formateur

Franck thomas

Franck Thomas – Meilleur sommelier de France et d’Europe, MOF (2000), fondateur de Franck Thomas Formation

Parcours de « vigne »

Mon histoire avec la gastronomie a commencé en classe de 3ème durant le stage d’immersion professionnelle que j’ai fait dans un hôtel à Nice. De prime abord, le travail en cuisine et celui de la salle ne m’ont pas vraiment plu. J’ai tout de même entrepris des études à l’école hotellière. Et comme souvent dans la vie, c’est une rencontre qui a fait naître ma vocation, celle que j’ai faite avec Michel Balanche. Professeur d’œnologie à l’école hotellière de Nice, il a enseigné à des sommeliers de haut niveau à l’instar de Philippe Faure-Brac.

Un autre épisode de ma jeunesse est à l’origine de ma passion. Il a eu lieu lors de vendanges au domaine Lapierre dans le Beaujolais où les valeurs de partage et de transmission exprimées par le vigneron ont fortement résonné en moi.

J’ai ensuite travaillé de longues années dans la restauration à Nice : 3 ans au célèbre hôtel Negresco, 6 ans à l’hôtel Juana dont le restaurant compte 2 étoiles et enfin pendant 5 ans j’ai géré mon propre restaurant, Parcours, avec lequel j’ai obtenu une étoile.

Je vis dans une région où l’activité est saisonnière, de ce fait, l’hiver ayant du temps libre, j’ai commencé à enseigner la sommellerie. Très vite, j’ai réalisé qu’il était temps de transmettre mon expérience et donc de me consacrer entièrement à la formation.

L’école de la « vigne »

Fin des années 2000, l’émergence et la popularité des bars à vins ont insufflé un vent de modernité à l’image du vin, suivies de près par la démocratisation des domaines travaillant en agriculture biologique, biodynamique et nature. Tous ces facteurs ont constitué une invitation à la convivialité et à la simplicité autour du vin. Une nouvelle approche plus accessible à tous.

A mes débuts dans l’enseignement, j’ai constaté qu’il fallait forcément avoir un diplôme hôtelier pour obtenir la mention complémentaire en sommellerie. J’ai donc voulu créer un diplôme reconnu par l’état et n’exigeant aucun pré requis. De surcroit, les formations professionnelles autour du vin existantes sont à mon sens trop axées sur la restauration. De ce fait, je propose une ouverture au métier de caviste mais aussi au monde de l’événementiel et de la promotion du vin.

J’ai aussi développé tout un module sur les techniques de vente, nous autres sommeliers sommes tellement passionnés que parfois nos discours peuvent sembler inintelligibles à ceux qui ne sont pas du métier. Enfin, il est possible de suivre des courtes formations, éligibles au compte CPF, avec l’obtention d’un certificat de dégustation à la clé.

Franck Thomas Formation est maintenant présent dans 18 villes et compte environ 200 apprenants chaque année. La formation a été rachetée par le groupe Marie-Claire qui possède aussi la Revue du Vin de France.

Philosophie de « vigne »

J’ai toujours trouvé que les débuts dans l’initiation à la dégustation étaient un peu violents.

J’ai le souvenir d’un cours donné à un public débutant où l’un des participants avait le regard perdu pendant la dégustation. A la fin, il est venu me voir et m’a dit « ce dont vous parlez, je ne le sens pas, j’ai l’impression d’être mauvais ». Un épisode qui m’a conduit à une réflexion déjà bien entamée.

Plus tard, j’ai réuni un groupe de travail dans lequel se trouvait des personnalités d’horizons très différents. Il y’avait évidemment des sommeliers, des œnologues mais aussi des musiciens et des calligraphes. Lors de 6 rencontres nous avons testé une multitude d’expériences autour de la dégustation. 70% d’entre elles n’ont débouché sur rien. Cependant, les fondements de la dégustation intuitive ont été établis à ce moment-là.

école vin

La dégustation intuitive

Elle est réalisée les yeux bandés et les vins sont dégustés à l’aveugle. Elle appelle au lâcher prise à l’aide de la sophrologie et mène à l’écoute du vin à travers l’écoute de soi.

Mon fils a un handicap cognitif, il a suivi une scolarité guidée par la méthode Montessori. Pour définir les contours de cette nouvelle approche de dégustation, je me suis beaucoup inspirée de cette pédagogie bienveillante et accompagnante.

La dégustation intuitive fait appel aux émotions, alors elle fait parfois sourire les cartésiens. Et comme elle demande d’oublier ses connaissances et de se concentrer sur ses ressentis, elle est très confortable pour un public débutant dans le vin. Néanmoins, il y a aussi des professionnels du vin curieux de nouvelles approches et cherchant à avoir une vision plus large de la dégustation qui s’y intéressent.

La dégustation géo-sensorielle

Depuis 2015, nous enseignons la dégustation géo-sensorielle à nos apprenants. Elle mobilise le goût en demandant au dégustateur de porter son attention sur les sensations tactiles en bouche provoquées par le vin, avec une attention marquée sur la salivation. La dégustation géo-sensorielle permet notamment d’identifier le lieu dont le vin est originaire.

Avec le vigneron Jean-Michel Deiss, le neuroscientifique Gabriel Lepousez et d’autres professionnels, nous avons créé un groupe de travail pour continuer à élargir les champs de cette dégustation héritée de la guilde des gourmets. Les fondements de la dégustation géo-sensorielle sont scientifiques, c’est donc une approche relativement fédératrice.

L’idée est de combiner la dégustation analytique, intuitive et géo-sensorielle pour avoir une approche complète.

Un grand souvenir de « vigne »

En 2009, j’ai eu la chance de faire les vendanges au domaine de la Romanée Conti en Bourgogne. A la fin de mon séjour, l’une des personnes gérant l’équipe des vendangeurs m’a demandé mon numéro de sécurité sociale afin de me verser un salaire pour le travail fourni. Amusé je lui ai répondu que je n’étais pas venu pour être payé et que je considérais déjà ma participation comme un privilège. Alors, le célèbre vigneron et propriétaire du domaine, Mr Aubert de Villaine, m’a offert une bouteille du grand cru La Tâche, millésime 1956.

Je l’ai bue avec des amis passionnés de vin. Nous avons fait toute une recherche en amont sur l’année 1956. C’était une année particulière, celle du grand gel, le mois de février a été le plus froid du XXème siècle avec un déficit thermique de plus de 10 degrés et ce seulement deux ans après l’appel à l’aide de l’abbé Pierre pendant l’hiver 1954. On a donc contextualisé la dégustation, lu des textes, un poème, la une d’un journal, puis on s’est laissés porter par la dégustation. C’était un moment formidable.

 

Pour en savoir plus sur les formations de Franck Thomas : Franck Thomas Formation

Le livre de Franck Thomas : Manuel de Dégustation du Vin