Sep 2022

Alexis Goujard – Journaliste et critique du vin

Alexis Goujard

Alexis Goujard – Journaliste vin à La Revue du Vin de France

Quel est votre parcours et comment êtes-vous entré dans l’univers du vin ?

Je suis originaire de Normandie, au départ j’ai donc peu d’attaches avec le vin. Néanmoins, j’ai beaucoup déménagé et j’ai été très vite enrichi par une multitude d’odeurs et de paysages. Je suis passé par le sud-ouest où je jouais au rugby avec des enfants de vignerons. C’est le début de ma familiarisation avec le monde du raisin !

Puis c’est un professeur d’histoire géographie au lycée à Bourges, près de Sancerre, qui m’a transmis la passion du vin. Il nous racontait beaucoup d’anecdotes sur le commerce, l’histoire et la géographie du vin pendant les cours. Un jour, il nous a parlé d’un célèbre critique américain de vins : Robert Parker. Il a résumé son métier en disant qu’il passait son temps à voyager, visiter des vignobles, rencontrer des vignerons, goûter du vin et écrire dessus. Là, je me suis dit : ce boulot est fait pour moi. J’ai alors acheté son guide pour en savoir un peu plus puis je me suis procurer mes premiers numéros de La Revue du vin de France ainsi que le Guide des meilleurs vins de France.

J’ai commencé à sillonner les vignobles à l’âge de dix-huit ans, puis choisir mes stages d’études dans l’univers du vin : chez Éric Nicolas, au Domaine de Bellivière, à Jasnières, chez un importateur de vins à Santander en Espagne, chez Pascal Jolivet à Sancerre etc.

En 2010, j’ai fait un stage de fin de Master en commerce international du vin à Cuisine et Vins de France appartenant au même groupe que La Revue du Vin de France et depuis je ne suis jamais reparti. Pour commencer j’ai été caviste, le journal reçoit plus de 20 000 bouteilles par an, puis très vite j’ai collaboré au guide rouge en qualité de rédacteur puis je suis devenu journaliste et membre du comité de dégustation.

Vous êtes le plus jeune des journalistes de La Revue du Vin de France. Quel regard portez-vous sur la presse du vin telle qu’elle est aujourd’hui ?

Soyons honnêtes, ce n’est pas la panacée dans l’univers de la presse écrite. Des kiosques ferment toutes les semaines à travers la France, les gens lisent de moins en moins les journaux. Il est de plus en plus difficile pour les rédactions de payer les frais de reportages de plusieurs jours sur le terrain. Beaucoup de journalistes sont contraints de se faire envoyer des échantillons et se forger un avis lors de déjeuners de presse organisés dans les grandes villes. Comment peut-on écrire des articles crédibles dans ces circonstances ?

À La RVF, nous avons la chance d’être un magazine spécialisé, destinés aux passionnés de vins et aux professionnels. C’est un lectorat fidèle et abonné pour la plupart. La moitié des ventes de La RVF se fait par abonnement. Une proportion importante et rare dans le milieu. Chaque mois, nous envoyons des dizaines de journalistes pour couvrir le vignoble dans de bonnes conditions. Nous sommes libres de sélectionner les vins que nous souhaitons et d’établir des hiérarchies des domaines sans pression de la part du service commercial. C’est précieux ! C’est un métier passion donc, le jour où ce ne sera plus le cas, je changerai de crèmerie.

L’enjeu est d’attirer un lectorat plus jeune. Pour cela, la voie royale est celle du web. Nous comptons sur des sujets grand public publiés sur le site pour donner envie aux lecteurs de développer leurs connaissances avec le magazine. Les deux supports doivent être complémentaires.

critique vin

Quelle est la réalité du métier de critique de vins ?

Le métier de critique est en voie de disparition, dans le monde du vin on peut les compter sur les doigts de la main. Pour la plupart d’entre eux ce n’est qu’une activité annexe. J’admets alors volontiers l’immense chance d’en avoir fait mon métier à temps plein. A fortiori, la confiance accordée par le magazine au sujet du planning éditorial m’autorise à retranscrire mon amour du vin et des vignerons en toute liberté.

La dégustation serait subjective et propre à chacun. N’est-il alors pas difficile d’écrire pour des lecteurs qui auront peut-être une expérience différente de la vôtre ?

Il n’y a rien de plus subjectif que la dégustation. Mon rôle est de parler de tout ce qui se fait de bon mais aussi de défendre mes préférences !

Dans La RVF les vins sont évalués sur 100. C’est un système de notation rassurant pour les lecteurs car il permet de conserver une hiérarchie dans le vin. Lorsque j’établis un podium, il est primordial d’expliquer aux lecteurs pourquoi certains vins ont été mieux noté que d’autres. L’important est que le vin soit bon, l’idée n’est pas de militer ou de défendre une chapelle au détriment d’une autre.

Le critique doit perpétuellement s’adapter au changement, le goût évolue rapidement. Il y’a moins de 15 ans nous étions dans l’ère Parker, avec la mode des vins bodybuildés. Aujourd’hui on recherche plus de fraîcheur et de légèreté. Cela parait évident puisque ces dernières années généreusement ensoleillées ont donné des vins naturellement riches quel que soit la région.

Avec l’essor des réseaux sociaux et des applications de notations, tout le monde peut émettre une critique sur un vin. Quel est votre regard sur cela ? L’avis des amateurs peut-il remplacer celui des professionnels ?

Les réseaux sociaux permettent de démocratiser le vin auprès des publics plus jeunes et d’aborder le monde vitivinicole avec une approche joyeuse !

En revanche, il faut garder en tête que bien choisir son vin et bien l’acheter c’est du travail. Le défi est de trouver un influenceur de confiance, celui dans lequel on se retrouve en termes de goûts. On a souvent à faire à des influenceurs qui usent beaucoup de lieux communs pour décrire un vin, les mêmes phrases sont réutilisées d’un vin à l’autre et le sujet survolé.  Alors qu’il n’est pas nécessaire d’en faire des tartines, il s’agit de choisir les bons mots et d’être précis.

Au comité de dégustation de La RVF nous y veillons, même lorsque nous échangeons entre nous. De surcroît, chaque ligne rédigée est relue par 3 personne avant d’être validée. Il est donc difficile de comparer nos contenus avec ceux des réseaux sociaux davantage écrits dans l’instantanéité !

Quel est votre plus grand souvenir de dégustation et/ou votre rencontre vigneronne la plus mémorable ?

Mes souvenirs heureux de journaliste vin sont très nombreux. Mon quotidien est composé de rencontres enrichissantes.

L’un de mes premiers souvenirs marquants a eu lieu dans le Sud-Ouest à Gaillac. Adolescent, j’ai rendu visite à Bernard Plageoles. J’ai été profondément touché par le travail de ce grand vigneron et par sa recherche de vérité dans le goût du vin à travers la diversité des cépages présents sur son domaine. Dans l’appellation Gaillac, où une partie du vignoble était davantage tournée vers des cépages extérieurs comme le Merlot, la Syrah ou le Gamay, Bernard Plageoles était déjà fier de produire des vins avec quatorze variétés de raisins autochtones et en bio.

Cette rencontre m’a ouvert les yeux sur la diversité des vins et la manière dont un vigneron cultive son identité. On recherche l’émotion dans la dégustation et le vin doit retranscrire l’origine de son lieu.

Selon vous, aujourd’hui quel est l’avenir du vin et quels sont les enjeux de la vitiviniculture ?

Depuis 2015, les dérèglements climatiques plongent les vignerons dans la difficulté et les inquiétudes. Chaque année, de nouveaux paramètres se profilent et les amènent à s’interroger. Le défi des vignerons est de s’adapter, accompagner ces changements et de parvenir à tout de même élaborer des vins équilibrés. Le défi est de continuer à faire rêver le monde entier en cultivant les goûts et l’équilibre si particulier à notre terroir européen.

Retrouvez La Revue du Vin de France : https://www.larvf.com/ 

Suivez les dégustations d’Alexis Goujard : https://www.instagram.com/alexisgoujard/